Les délais de procédure à l’épreuve de l’épidémie de Covid-19

Á la suite du confinement et à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire qui touche les entreprises et les travailleurs au plus haut point, le gouvernement, après avoir mis en place des mesures de soutien aux entreprises, a adopté différentes ordonnances permettant de surseoir ou de proroger certaines obligations procédurales pour les entreprises.

Quatre ordonnances adoptées fin mars ont un impact direct sur les procédures d’entreprises

Faisant suite au plan de soutien pour les entreprises face à la crise sanitaire de Covid-19, le gouvernement a adopté une série d’ordonnances visant à faciliter la vie des entreprises et à alléger leurs obligations tout en augmentant leurs possibilités de recourir aux mesures temporaires de chômage partiel ou de demandes d’aides. Quatre ordonnances sont particulièrement impactantes pour les entreprises françaises en ce qui concerne leurs obligations de déclarations et d’organisation :

  • L’ordonnance 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l'épidémie de Covid-19 ;
  • L’ordonnance 2030-321 du 25 mars 2020 sur les règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants;
  • L’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 sur l’aménagement des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et sur l’adaptation des procédures pendant cette même période ;
  • L’ordonnance 2020-341 du 27 mars 2020 sur les règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale.

Tous ces instruments législatifs prévoient la mise en place en place d’une plus grande flexibilité temporaire au niveau des déclarations effectuées par les entreprises et pour les délais de convocation des organes dirigeants et d’approbation des comptes, qu’ils soient soumis ou non à l’aval des commissaires aux comptes, ainsi que pour les délais de formalités administratives.

Les délais de formalités administratives rallongés pour les entreprises et administrations publiques

  • Quels délais ? Selon l’ordonnance 2020-306, les délais relatifs à certaines formalités administratives devant être faites par les entreprises ou par les administrations sont adaptés pour faire face à la pandémie. Ainsi, l’ordonnance met en place une période dite « période juridiquement protégée » qui court du 12 mars jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (actuellement au 24 mai 2020 soit jusqu’au 24 juin 2020 si l’état d’urgence sanitaire n’est pas prolongé). Tous les délais courant pendant cette période bénéficient des prorogations ou suspensions mentionnés dans l’ordonnance. Sont en revanche exclus les délais échus avant le 12 mars ou débutant après le 24 juin, ou encore dont les modalités sont fixées par d’autres ordonnances.
  • Quels actes ? L’ordonnance concerne tous les actes, recours, inscriptions, déclarations ou autres qui auraient dû être accomplis pendant la période juridiquement protégée.
  • Quelles mesures ? Le texte prévoit que les délais initialement prévus soient reportés et ne démarrent qu’à la fin de la période juridiquement protégée, sous réserve que cela corresponde à un délai de 2 mois maximum.
  • Quid des formalités administratives ? Les délais pour les actes administratifs sont suspendus jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée. Ainsi par exemple, pour les greffes des tribunaux de commerce, les délais sont suspendus entre le 12 mars et le 24 juin 2020 : pour une modification au RCS, le délai sera donc d’un mois après le 24 juin 2020 (si cela n’est pas de nouveau prolongé). De même le délai de 1 mois pour le dépôt des comptes au greffe après l’AG d’approbation ne courra qu’à la fin de la période juridiquement protégée. Les annonces légales entrent également dans le champ des actes dont les délais sont suspendus, en revanche les enregistrements servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts droits et taxes ne sont pas concernés.

Des délais rallongés pour les procédures collectives et les liquidations

L’ordonnance 2020-341 prévoit une adaptation temporaire du droit des entreprises en matière de procédure collective et de liquidation ou redressement judiciaire afin de tenir compte du contexte tendu par l’épidémie actuelle.

Elle prévoit entre autres que l’état de cessation de paiement d’une entreprise ne soit considéré qu’au vu de la situation financière de cette entreprise au 12 mars 2020 pendant un délai allant jusqu’à 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Ce qui implique qu’une entreprise qui serait en état de cessation de paiements au 30 mars 2020 ne sera donc pas considérée comme telle avant la fin de ce délai et ne serait donc pas obligée de solliciter une procédure de redressement judiciaire avant le 15 mai 2020 comme la loi l’y obligerait normalement. Cependant, si l’entreprise souhaite avoir recours à une procédure de liquidation ou de redressement elle doit pouvoir le demander.

L’ordonnance prévoit également un allègement de certaines obligations, comme le fait que pendant ce même délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, les créances salariales peuvent être transmises aux mandataires judiciaires sans avoir été préalablement soumis ni aux représentants syndicaux ni visés par un juge commissaire. De même, la durée des procédures de conciliation, ainsi que celle des plans de sauvegarde peuvent être prorogée jusqu’à la fin d’un délai de 3 mois après la fin de l’urgence sanitaire.

En ce qui concerne les liquidations, l’ordonnance donne latitude aux mandataires judiciaires ou aux administrateurs judiciaires de prolonger les délais pour une durée de 4 mois et 25 jours.

 

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L’adaptation des délais d’établissement et d’approbation des documents comptables

L’ordonnance du 25 mars 2020 sur l’approbation des comptes prévoit quant à elle un assouplissement des règles relatives à l’établissement, à l’approbation et au dépôt des comptes et documents comptables pour les sociétés ainsi que pour les entités dépourvues de personnalité morale de droit privé. Elle s’applique donc non seulement aux sociétés commerciales mais aussi aux groupements d’intérêt économique (GIE), mutuelles, associations ou fondations. Parmi les règles assouplies figurent :

  • La possibilité de proroger de 3 mois les délais requis pour approuver les comptes ou convoquer l’assemblée chargée de les approuver, pour les entités clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et un mois après la fin de l’état d’urgence.
  • La possibilité de proroger de 2 mois les délais des conseils d’administration pour établir le bilan comptable et le compte de résultat (actif/passif) de l’entité ainsi que le tableau de financement.
  • La possibilité de proroger de 3 mois la présentation des comptes annuels au conseil de surveillance pour les sociétés à directoire.

Toutes ces mesures sont applicables pour les comptes clos entre le 30 septembre 2019 et le 24 juin 2020 (fin de la « période juridiquement protégée » de 1 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire) et ne sont pas applicables si un commissaire aux comptes a été désigné et a émis son rapport avant le 12 mars 2020.  

L’assouplissement des règles de convocation et de tenue des assemblées générales (AG) ou organes dirigeants

Afin de permettre également une adaptation des entreprises quant à la tenue de leurs assemblées générales, organes de directoire ou conseils de surveillance, l’ordonnance 2020-321 prévoit que la communication relative aux assemblées et autres organes devant se tenir entre le 12 mars 2020 et le 31 juillet 2020 peut être dématérialisée et que pour les AG déjà convoquées, le lieu de réunion de l’AG peut être modifié sans devoir renouveler les formalités de convocation. Par ailleurs, le fait de ne pouvoir envoyer de convocation par voie postale ne doit pas être prétexte à nullité de l’assemblée pour les sociétés cotées. Les assemblées peuvent se tenir de manière dématérialisée et les visio et téléconférences sont possibles pour les organes de surveillance et de directoire.

 

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