La dématérialisation des factures et les comportements de paiement

Depuis le 1er janvier 2017, toutes les grandes entreprises et les personnes publiques ont l’obligation d’émettre leurs factures par voie électronique dans le cadre des marchés publics. Si l’objectif est d’inciter l’ensemble des entreprises à passer progressivement à la facturation électronique, on peut s’interroger sur l’impact indirect de cette mesure sur les comportements de paiement. Infolegale vous propose de revenir sur la question.

La dématérialisation des factures : pourquoi ?

Plusieurs études ont mis en lumière le manque d’efficacité des entreprises dans le traitement de leurs factures.

Les services comptables consacrent en moyenne 30 % de leur temps à la saisie manuelle des factures fournisseurs (dans Assemblée Nationale, La Croissance et l’activité n°2447, amendement présenté par le Gouvernement 8 janvier 2015). Ainsi, la dématérialisation des factures représenterait, à elle seule, une économie de l’ordre de 50 à 75 % par rapport à un traitement papier et réduirait le coût de traitement d’environ 30 %.

Concrètement, le coût d’une facture papier entrante (chez le client qui la reçoit), varierait entre 14 et 20 euros, et celui d’une facture sortante (chez le fournisseur qui l’envoie) entre 5 et 10 euros.

Grâce à la généralisation de la dématérialisation, les entreprises pourront bénéficier de plusieurs avantages :

  • Automatisation des processus de facturation,

  • Réduction des frais (réduction des impressions papier et des frais postaux),

  • Diminution du coût de traitement des factures et des frais de relance,

  • Réduction des manipulations de documents papier,

  • Diminution des temps de traitement,

  • Amélioration de la traçabilité comptable,

  • Garantie de remise des documents,

  • Accélération de la validation des factures avant envoi chez le fournisseur et paiement chez le client,

  • Optimisation de la fluidité des échanges et de la gestion de la trésorerie,

  • Meilleure maîtrise des délais de paiement.

La généralisation de la facturation électronique permettrait donc des économies importantes des frais de gestion des entreprises et une optimisation des services comptabilité. Ces derniers n’ayant pas tous les outils techniques, ni les moyens humains pour traiter efficacement les factures.

Hormis ces plus-values métier, la démarche peut aussi constituer un avantage concurrentiel. En effet, l’Etat pousse dans ce sens en systématisant la clause de dématérialisation dans les marchés publics : pour candidater, une entreprise devra désormais nécessairement passer par la facturation électronique.

Enfin, la dématérialisation est un enjeu majeur en termes environnemental : elle permet de réduire sensiblement l’empreinte carbone des entreprises. Il peut donc s’agir d’un élément de communication à ne pas négliger (exemplarité et image).

 
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La facturation électronique : que dit la loi ?

Dès 2008, la loi de modernisation de l’économie (LME) donnait déjà l’obligation à l’Etat d’accepter les factures électroniques émises par ses fournisseurs. En 2013, la libéralisation du recours à la facture dématérialisée est inscrite dans le Code Général des Impôts.

Cependant, ce n’est qu’avec l’ordonnance n° 2014‑697 du 26 juin 2014, retranscrivant une directive européenne obligeant les pouvoirs publics à accepter et émettre les factures électroniques conformes aux normes européennes, que des contraintes précises sont inscrites dans le marbre.

L’ordonnance précise le calendrier visant à rendre obligatoire la facturation électronique pour les émetteurs de factures à destination de l’Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics respectifs.

Le calendrier suivant est adopté :

  • Au 1er janvier 2017 : pour les grandes entreprises (plus de 5000 salariés) et personnes publiques ;

  • Au 1er janvier 2018 : pour les entreprises de taille intermédiaire (250 à 4999 salariés) ;

  • Au 1er janvier 2019 : pour les petites et moyennes entreprises (10 à 249 salariés) ;

  • Au 1er janvier 2020 : pour les microentreprises (moins de 10 salariés).

Donc, depuis le 1 er Janvier 2017, toute structure publique (Etat, collectivité locale, établissement public national) est dans l’obligation d’émettre et de réceptionner toutes factures par voie électronique. L’Agence pour l'Information Financière de l'Etat (AIFE) a développé une solution mutualisée : Chorus Pro, point d’entrée unique et gratuit, permettant de répondre à ces besoins.

De même, toute entreprise de plus de 5000 salariés est désormais dans l’obligation d’émettre des factures électroniques si elle souhaite collaborer avec l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics.

Ainsi, l’Etat montre l’exemple et mise également sur l’effet incitatif d’une telle mesure. En effet, une fois passée à la facturation électronique pour candidater à des marchés publics, la plupart des entreprises le feront également pour leurs relations avec les autres entreprises.

L’autre dispositif est l’article 222 de la Loi Macron (6 août 2015) qui venait, en quelque sorte, compléter l’ordonnance. En effet, si cette dernière ne s’intéressait qu’aux échanges entre les entreprises et les pouvoirs publics, l’article de la Loi Macron visait uniquement les échanges inter-entreprises.

Avec cet article, le Gouvernement s’octroyait la possibilité de prendre une nouvelle ordonnance prévoyant une obligation pour les entreprises d’accepter les factures émises sous forme dématérialisée entre les entreprises du secteur privé suivant le même calendrier. L’obligation ne viserait que la réception des factures électroniques et non l’émission par les fournisseurs qui pourraient donc, s’ils le souhaitent, continuer à émettre des factures papier. Néanmoins, le Gouvernement n’a finalement pas profité de ce dispositif, mais il est probable que le sujet refasse surface dans les mois à venir.

 
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Quel impact sur les comportements de paiement ?

En France, les retards de paiement varient en fonction des secteurs : 13 jours en moyenne chez les fournisseurs d’énergie, 16 jours dans l’Industrie, 15 jours dans le Transport et logistique, 12 jours dans les CHR… La diminution de ces retards de paiement est un enjeu majeur pour les entreprises.

La dématérialisation des factures va-t-elle améliorer les comportements de paiement ? Une chose est sûre, le processus de traitement des factures pâtit d’un déficit d’investissement de la part des entreprises. Il en résulte des retards de traitement, des factures perdues, des problèmes de conformité, des litiges et un recouvrement pas, ou mal, assuré.

La facturation électronique implique deux éléments :

La facturation électronique permet donc d’améliorer l’efficacité du processus, mais aussi de diminuer les erreurs et litiges sur les données concernées.

Ceci étant, le passage à la dématérialisation des factures est certes un outil permettant d’avoir une vision consolidée sur les retards de paiement, mais il ne garantit pas l’amélioration des comportements de paiement.

En effet, le dépassement de la date de facturation a parfois d’autres causes que celles d'ordre technique ou structurel (litige commercial ou conformité data).

Selon une étude AFDCC de 2014, le nombre de factures litigieuses représenteraient 4 à 6 % des factures émises, en fonction du secteur d'activité.

Donc, le passage à la facturation électronique aura déjà l'avantage d’améliorer le traitement interne du processus de facturation :

  • Mauvaise évaluation du risque client

  • Litige qualité

  • Facture erronée

  • Retard dans le traitement des factures

  • Gestion relation-client défectueuse

  • CGV mal rédigées

  • Livraison ratée

Et de réduire les difficultés liées à des clients récalcitrants :

  • Retour de marchandises
  • Délais de paiement rallongés
  • Procédures comptables clients complexes
  • Mauvaise foi, litiges
  • Relation commerciale biaisée

Tout en limitant les causes externes :

  • Problèmes de livraison causés par des facteurs externes : La Poste, transporteur, grèves…

  • Problème technique ou informatique

Mais, rappelons que l'optimisation du Besoin en Fonds de Roulement étant un enjeu majeur pour améliorer la capacité d’investissement et assurer la rentabilité des entreprises, le poste clients demeurera un levier pour optimiser la trésorerie des entreprises. Ainsi, l'allongement des délais de paiement risque de rester l’une des seules alternatives retenues pour améliorer le BFR.

 
A retenir :
La dématérialisation offre de nombreux avantages pour les entreprises :
  • Automatisation des processus de facturation
  • Réduction des frais (réduction des impressions papier et des frais postaux)
  • Diminution du coût de traitement des factures et des frais de relance…
L’ordonnance n° 2014‑697 du 26 juin 2014 précise le calendrier visant à rendre obligatoire la facturation électronique pour les émetteurs de factures à destination de l’Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics respectifs.
Dès le 1er janvier 2017, les grandes entreprises (plus de 5000 salariés) et personnes publiques sont tenues d’émettre ce type de factures dans le cadre des marchés publics.
La facturation électronique permet d’optimiser les processus de traitement ainsi que la diminution des erreurs et litiges. Cela permettra de réduire sensiblement les causes engendrant les retards de paiement. Néanmoins, cela ne garantit pas l’amélioration des comportements de paiement.

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