7 clés pour mieux comprendre les privilèges

Les privilèges sont une source d’information appréciée par les credit managers. Malgré ses points forts indéniables, elle présente également quelques faiblesses qu’il s’agit d’identifier. Infolegale vous propose 7 clés pour mieux comprendre les privilèges.

Comment s'articulent les privilèges ?

Le privilège est un droit conférant à un créancier la primauté sur les autres créanciers, même hypothécaires (article 2324 du code civil).

Un créancier peut être privilégié pour deux raisons :

  • Soit parce qu’il dispose d’une garantie consentie par son débiteur ou obtenue en justice ;
  • Soit parce qu’il bénéficie d’un privilège légal en fonction de sa qualité : salarié, Trésor public, les organismes sociaux, les créanciers bénéficiant du privilège de conciliation lorsqu’une procédure collective est ouverte…

Les créances du Trésor public sont censées profiter à l’ensemble des contribuables. Sur ce fondement, il en résulte qu’elles sont recouvrées avant toutes les autres.

Sur le même principe, le recouvrement de la plupart des impôts perçus au profit de l'État et des collectivités publiques bénéficie de tels privilèges, dont certains s'exercent avant tous autres sur les biens des redevables.

Publicité des privilèges : spécificités et évolutions

En cas de comportement de paiement inhabituel du type impayé, le créancier demande l'inscription de son privilège au registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou au tribunal de grande instance (TGI).

Par conséquent, cette information est, en théorie, nécessairement disponible auprès du greffe, d’où sa popularité chez les professionnels du credit management.

Cependant, même s’il n’est pas question d’en minimiser l’impact, il s’avère essentiel de comprendre les forces et les faiblesses d’une telle source d’information.

En effet, premier constat, depuis 2008, le dispositif a été assoupli et l’inscription de ces créances n’est dorénavant plus automatique.

 

1. Des délais allongés :

L’objectif de la réforme de 2008 est de faciliter les conditions d'octroi d'un délai supplémentaire aux entreprises avant inscription d'un privilège en cas de défaut de paiement des impôts directs.

Dorénavant la publicité intervient non plus à l'issue du semestre civil, mais après la première date de majoration pour défaut de paiement des impôts directs.

 

2. Des seuils réévalués :

Par ailleurs, le seuil de publicité du privilège a été sensiblement augmenté.

Désormais, les seuils à partir desquels les organismes publics sont dans l’obligation de publier leurs créances ont été réévalués :

  • 20 000 euros pour l’Urssaf (pour les entreprises de plus de 50 salariés) ;
  • 200 000 euros pour le Trésor public depuis le 1er juillet 2019 (CGI, art. 1929 quater mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 61, I, 2°).

 

3. Des cas de non-inscription de privilège : les plans d'apurement

Les entreprises bénéficiant d'un plan d'apurement signé et respecté ne se verront désormais plus imposer une inscription de privilège du Trésor.

En effet, ces entreprises qui au demeurant ont des réelles difficultés financières peuvent désormais obtenir un échéancier et, en plus, bénéficient d’une certaine clémence puisque la loi impose la non-inscription du privilège.

L’État introduit avec ce dispositif un biais permettant à une partie des sociétés en difficulté d’échapper à l’inscription au privilège. En d’autres termes, les privilèges ne sont désormais plus une source garantissant l’exhaustivité des sociétés en difficulté.

 

4. Des inscriptions qui ne sont pas toujours levées :

Si l'inscription d’un privilège est prescrite au bout de quatre ans, il s’avère nécessaire de demander la radiation de celui-ci pour qu’il soit réellement levé. Cette démarche incombe à l’administration ayant requis l’inscription qu’il s’agisse du Trésor ou d’un autre service.

La radiation d'une inscription intervient donc à l'initiative du comptable chargé du recouvrement dans les cas suivants (6 de l’article 396 bis de l’annexe II au CGI) :

  • La radiation consécutive au paiement par le redevable de sa dette fiscale ;
  • La radiation consécutive à un dégrèvement ;
  • La radiation en cas d’erreur commise par le comptable sur le montant des sommes privilégiées ou sur l'identité du redevable ;
  • La radiation consécutive à l’octroi d’un plan d’apurement échelonné pour des dettes qui ont fait l’objet de la publicité du privilège, que le redevable respecte ainsi que ses obligations fiscales déclaratives et de paiement.

Dans tous ces cas, les frais de radiation sont supportés par le Trésor ou l’administration concernée.

Concrètement, il appartient au comptable ayant requis l'inscription de prendre l'initiative de la procédure en présentant au greffier une attestation constatant qu'il y a paiement.

D’après le bulletin officiel des finances publiques et impôts, lorsque le débiteur acquitte la totalité de la dette, le comptable qui a inscrit la publicité demande la radiation totale de l'inscription devenue sans objet, dans le délai d’un mois, par la présentation au greffe d’une attestation de paiement. Une inscription peut faire l'objet à tout moment d'une radiation partielle à la diligence du redevable, sur présentation au greffe d'une attestation constatant le paiement partiel et établie par le comptable ayant requis l'inscription (art. 396 bis, al. 6 de l’annexe II CGI).

Autre cas de figure, en cas d’erreur lors de l'inscription du privilège portant sur le montant des sommes ou sur l'identité du redevable, c'est aussi au comptable qu'il appartient de demander la radiation.

Là où le bât blesse c’est que cette procédure n’est pas toujours respectée. Une proportion importante de privilèges ne sont pas radiés par l’administration. Il est difficile de quantifier le nombre de ces privilèges qui n’en sont pas vraiment, mais ils vous induisent en erreur sur la situation financière de certains de vos partenaires.

 

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5. Des litiges avec l'administration fiscale :

En cas de litige avec l’administration fiscale, le Trésor inscrit par défaut un privilège même si l’entreprise concernée est en mesure de régler ses dettes.

Concrètement, le code général des impôts stipule que :

« L'introduction d'une réclamation contentieuse contre une imposition soumise à la publicité n'a pas pour effet de placer l'imposition en dehors du champ d'application du régime de la publicité. Elle peut donner lieu seulement à une annotation marginale. La publicité est assurée même si un contribuable a contesté les impositions qui lui étaient réclamées et fourni les garanties réglementaires. Le comptable doit effectuer la publicité mais le redevable a la possibilité de faire mentionner en marge de l'inscription l'existence de la réclamation.

Cette mention en marge que prévoit l'article 396 bis 5 de l'annexe II au CGI a pour objet de révéler l'existence de réclamations contentieuses dirigées contre les impositions inscrites à titre obligatoire lorsque les débiteurs de ces impositions ont obtenu le bénéfice du sursis de paiement dans les conditions prévues à l'article L 277 du LPF (cf. BOI-REC-PREA-20-20-40).

Les réclamations contentieuses non assorties de ce sursis sont donc exclues de son champ d'application* ».

En d’autres termes, les raisons ayant conduit au non-paiement de l’impôt, de la taxe ou de la cotisation n’entrent en aucun cas dans un quelconque critère d’évaluation de la dette.

Ainsi, si vous contestez un redressement fiscal, le Trésor inscrira dans tous les cas de figures un privilège. Cela ne signifiera pas que votre entreprise n’est pas solvable, elle peut être au contraire très rentable, mais pourtant elle sera sujette à une inscription de privilège.

 

6. Une information coûteuse

Autre constat, le coût d’acquisition de l’inscription d’un privilège (hors coût d’abonnement aux alertes) est relativement élevé. Pour les privilèges les plus intéressants (privilège du Trésor, de la Sécurité sociale…), il est de 5,18 euros TTC pour chaque inscription pour une transmission par voie électronique.

En d’autres termes, il s’agit d’une source fiable mais néanmoins non exhaustive et coûteuse.

 

7. Les privilèges : en sursis

Par ailleurs, depuis quelques années, les pouvoirs publics s’interrogent sur la pertinence de ce dispositif. Des candidats aux élections présidentielles avaient même inclus dans leur programme sa suppression pure et simple.

Que reprochent certains politiques et organismes représentatifs aux privilèges** ? Hormis le fait qu’il s’agisse d’une exception française, pour les entreprises en procédure collective, il existe deux cas de figure :

  • Pour les entreprises en sauvegarde ou en redressement judiciaire, les privilèges sont rendus caduques puisque tous les créanciers sont logés à la même enseigne. Dans ce cas, conserver les privilèges n’a plus aucun intérêt.
  • Pour les entreprise en liquidation judiciaire, par contre, le produit de la vente des actifs est réparti entre les créanciers en fonction de leur rang. Il n’est pas rare que passé le paiement des salaires et des frais de justice, le reste est absorbé par le Trésor public et l’Urssaf (en 2007, en pleine période de crise financière mondiale, le dispositif a permis à l’État de recouvrer plus de 330 millions d’euros***). Par conséquent, l’existence de ce dispositif défavorise le reste des créanciers privés, dont la protection se révèle aussi importante que celle de l’État. Supprimer les privilèges diminuerait ainsi le risque de propagation des difficultés financières aux partenaires des entreprises concernées.

En conclusion, l’existence de ce dispositif est, en apparence, compréhensible puisque certaines personnes (morales ou physiques) ne devraient pas subir la concurrence d’autres créanciers en fonction de la qualité de leurs créances (salaires, État). Néanmoins, la question de la suppression ou de l’aménagement des privilèges est, à raison, régulièrement soulevée.

Une bonne manière de gérer l’information figurant dans les privilèges est de mettre en place une stratégie ciblée en analysant le risque crédit de votre portefeuille client en se focalisant, par le biais de solutions telles que Infolegale, sur les clients les plus à risque.

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A retenir :

  • Le privilège est un droit conférant à un créancier la primauté sur les autres créanciers.
  • En cas d’impayé, le créancier demande l'inscription de son privilège.
  • Cette information est parfois utilisée par les credit managers.
  • Depuis 2008, l’inscription des privilèges ne concerne plus toutes les créances et le délai d’inscription a été rallongé.
  • Une proportion importante de privilèges ne sont pas radiés par l’administration.
  • En cas de litige avec l’administration fiscale, elle inscrit par défaut un privilège même si l’entreprise concernée est en mesure de régler ses dettes.
  • Le coût d’acquisition d’un privilège est relativement élevé (5.18 euros par privilège).
  • Ce dispositif unique en Europe est contesté ces dernières années.

 

 

* http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1607-PGP

**http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/privilege-creanciers-publics-fra1210.pdf

*** http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-636QOSD.htm

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